des français utilisent déjà leur smartphone en magasin.
Le e-commerce a mûri. La recherche du prix le plus bas et du choix le plus grand se voit relayée derrière la quête d’une expérience utilisateur améliorée. Le commerce traditionnel, lui, a rattrapé son retard. Des ponts s’établissent avec le web pour répondre aux exigences des consommateurs.
Internet a modifié les comportements, et les comportements changent Internet. Les consommateurs ne veulent plus aujourd’hui d’écart entre les expériences on & off-line. L’heure est finalement à la réunion du commerce et du e-commerce.
Les consommateurs prêts pour le commerce connecté
Les consommateurs n’ont pas attendu la digitalisation des points de vente pour les connecter au web. Ils en sont même l’élan : aujourd’hui, ils sont 69% à comparer des produits et 42% à consulter des avis sur Internet avant l’achat.(1)
Chiffre clé
64% des français utilisent déjà leur smartphone en magasin.
Ils n’ont par ailleurs, semble-t-il, aucune objection à aller plus loin dans l’union commerce/e-commerce. 58% des consommateurs se disent prêts à être identifiés en magasin pour recevoir en temps réel des offres personnalisées.(2) C’est tout le principe des beacons, ces petites balises installées en boutique qui peuvent envoyer un message par Bluetooth lorsqu’elles détectent un téléphone à portée. Apple a été la première marque à les utiliser à grande échelle en 2013, et 800 millions de smartphones devraient utiliser ce système de geofencing (géo-repérage) en 2018, d’après le cabinet ABI Research.
Selon une étude CSA/Oney, 56% des français seraient également favorables à des miroirs interactifs en magasin, 47% à tester des boutiques entièrement automatisées et 25% à écouter un vendeur hologramme.(3)
L’avènement de l’expérience cross-canal
Le mobile devient cross-canal, le courrier postal devient cross-canal… Si vous suivez Culture Data®, vous devez régulièrement croiser ce terme ! Et le commerce n’échappe pas à la tendance : les points de vente se digitalisent et les sites e-commerce veulent s’ancrer dans la réalité, en créant un parcours d’achat unique.
« Le schéma classique, aujourd’hui, consiste à passer commande en ligne et à retirer l’article en boutique. Du coup, les enseignes replacent le magasin au centre du processus d’achat. » Delphine David, Directrice chez Precepta Groupe Xerfi, interviewée par Challenges.fr
Click and collect, drive-to-store, les mécanismes se multiplient pour créer une synergie entre les espaces de vente virtuels et physiques. Inciter l’acheteur à se rendre en magasin permet d’éviter les coûts de livraison et de l’exposer, sur place, à d’autres produits qui pourront compléter sa commande.
C’est en fait toute la relation commerciale qui évolue : le magasin tend à devenir un ambassadeur de la marque, où l’accent est particulièrement mis sur le relationnel, l’écoute, le conseil. De son côté, l’e-shop concentre l’aspect pratique et le choix.
Points de ventes connectés et sites drive-to-store doivent permettre de créer une expérience optimale mettant à la disposition du consommateur les ressources pour acheter dans les meilleures conditions. Il n’y a aujourd’hui rien d’absurde à imaginer des boutiques qui ne feraient plus de vente, mais du conseil et de l’accompagnement avant et après la commande en ligne.
« Le cross-canal est une évidence. Déjà 20% de nos clients, qui sont des TPE et des PME, veulent ouvrir une boutique physique, pour stocker, accueillir, animer des ateliers, créer la confiance… C’est vraiment le cross au sens de marche à pied : pour aller à la rencontre de l’autre » Marc Schillaci, fondateur d’Oxatis(4)
Un changement déjà entamé
Le point de vente connecté et le site e-commerce qui s’intéresse au brick and mortar ne sont pas que des projections du marché pour les années à venir. Ils constituent une tendance déjà engagée et dont les exemples ne manquent pas.
Zalando connecté à un magasin Adidas
Le mastodonte du e-commerce vient de lancer le retrait en boutique en collaboration avec Adidas. Le système, nommé Integrated Commerce, permet de rattacher les stocks de la boutique au site. Quand un utilisateur craque pour un produit de la marque, Zalando lui indique s’il est disponible dans le magasin le plus proche de lui. Il ne lui reste alors qu’à payer en ligne et se rendre immédiatement en boutique pour retirer sa commande.
« L’idée étant, derrière notre stratégie de plateforme, de fusionner ces deux mondes [online & offline] et d’en tirer le meilleur pour toutes les parties concernées » Christophe Lange, VP Solutions chez Zalando(5)
Made.com ouvre un showroom à Paris
L’exemple parfait de l’union e-commerce et commerce traditionnel. L’espace qui vient d’ouvrir à Paris ne permet ni d’acheter, ni même de consulter les prix des produits. Simplement de voir ces derniers en situation, de les toucher, pour se convaincre ou non de passer commande en ligne via des tablettes disposées dans un espace dédié du showroom. C’est la 5e structure du genre que la marque ouvre en Europe.(6)
Les hypermarchés Carrefour digitalisés
Exemple du commerce qui se tourne vers le web et l’expérience digitale, l’enseigne teste un tout nouveau parcours d’achat. Chariot connecté pour indiquer les promotions par géolocalisation, paiement mobile via Apple Pay, commande sur écrans tactiles d’articles encombrants à récupérer à la fin des courses, miroir magique pour essayer des vêtements sans devoir les porter et même présence de robots pour distraire les clients.(7) Testés dans plusieurs hypermarchés, certains de ces systèmes pourraient devenir la norme d’ici quelques années.
Le cas Amazon
Amazon est à la fois une preuve de complémentarité entre les deux formes de commerce et un exemple d’hégémonie du e-commerce. A commencer par son fameux projet de livraison de commandes par drone, réduisant les délais et incitant à commander sur Internet sans avoir à se déplacer. L’étude CSA et Oney de juillet 2016 a d’ailleurs montré que 43% des français étaient favorables à cette méthode pour la livraison de vêtements.
Mais Amazon ne manque d’imagination. Avec son Dash Button (disponible pour les membres Premium uniquement aux Etats-Unis pour l’instant), l’enseigne pousse la digitalisation au maximum. Il suffit par exemple d’acheter le « bouton » de sa marque de lessive, et une fois reçu, de le fixer à son lave-linge. Lorsque le stock de lessive est presque épuisé, un clic sur le bouton, et une commande est automatique passée sur le site, livrée en 24h. Plus besoin de se déplacer, ni même de se connecter.
Autre service : Prime Now d’Amazon vient de débarquer à Paris (disponible seulement sur mobile, là encore pour les membres Premium). Il permet de passer commande parmi 15 000 références, y compris des produits frais, et d’être livré en 2 heures gratuitement, 7j/7.
Avec ces deux exemples, Amazon donne l’impression d’un pure-player qui va rendre obsolète le commerce physique. D’autant plus quand la Mairie de Paris, en réaction à Prime Now, affirme redouter que le service ne vienne « déstabiliser gravement les équilibres commerciaux parisiens ». Et d’ajouter qu’elle sera intransigeante sur la politique RH du groupe et son empreinte environnementale.
Cette image d’un e-commerçant impitoyable, nous pourrions la considérer comme vraie, si le géant n’avait pas ouvert l’année dernière une librairie bien réelle à Seattle. A l’intérieur y sont vendus des livres sélectionnés en fonction des avis des internautes, aux mêmes prix que sur Internet. Début 2016, le Wall Street Journal sous-entendait même l’ouverture de 200 à 300 « Amazon Books » aux Etats-Unis…
Voilà qui radoucit l’image du site web cherchant à s’imposer sur le commerce traditionnel. Et qui confirme que la complémentarité des marchés n’a rien d’utopique.
Un reflet de notre mode de vie
Aujourd’hui, dans notre quotidien, la frontière entre monde « réel » et web s’amenuise, pour ne pas dire qu’elle a déjà disparue. Il n’y a qu’à suivre le phénomène Pokemon Go, tout juste lancé et qui crée des mouvements de foule en plein Manhattan, des dizaines de joueurs se rassemblant IRL (In Real Life) pour capturer des créatures existant uniquement sur leur smartphone.
Le commerce, comme d’autres, ne fait que suivre la tendance. Il se confronte à des attentes différentes, et s’adapte pour y répondre. Le débat sur la fin du commerce traditionnel n’a finalement pas lieu d’être.
Le commerce traditionnel est déjà mort, il se transforme en un modèle plus contemporain misant sur les technologies du numérique. Le commerce électronique traditionnel a lui aussi disparu, laissant la place à des sites offrant une expérience plus complète et qualitative.
La question n’est donc plus de savoir si le modèle va changer, mais comment il va opérer sa transition vers une relation marque/consommateur plus riche. Et au regard des innombrables tentatives en cours, il y a fort à parier que les nouveaux standards du commerce seront pluriels.
(1) Les opportunités de la digitalisation du point de vente en France – Digital Instore
(2) E-commerce en France: où en est l’écosystème français en 2016 ? – French Web
(3) Les Français plébiscitent le magasin connecté – Comarketing
(4) 2020 : la fin du e-commerce… ou l’avènement du commerce connecté – Catherine BARBA, FEVAD
(5) Zalando intègre le premier magasin physique d’Adidas – Ecommercemag.fr
(6) Made.com ouvre son plus grand showroom à Paris – Ecommercemag.fr
(7) Carrefour, hyper… connecté ! – Ecommercemag.fr