Assurances et mutuelles : les données se révèlent

Voici un secteur qui repose historiquement sur la donnée, à commencer par les taux d’incidents. En effet, les assureurs et mutualistes nécessitent ces chiffres pour construire une offre, fixer les montants des cotisations et les modalités de remboursement. 

Les mains plongées dans la donnée, les professionnels du secteur auraient pu en rester là, forts de leur expertise historique, et se contenter d’affiner leurs statistiques et de consolider leurs algorithmes. 

Mais le digital est venu bousculer leurs pratiques, essentiellement parce qu’il remet le client au centre. De nouveaux venus comme Alan se sont imposés, en s’attaquant au principal problème du marché : ce dernier n’est pas « sexy ». Qui a envie d’appeler son assureur pour faire une déclaration de sinistre ? De comparer deux polices d’assurance ? 

En 2016, les « anciens » des mutuelles voient surgir ce nouvel arrivant, Alan. L’ambitieuse start-up porte une offre entièrement dématérialisée, promet une inscription en moins de cinq minutes et annonce, en 4 x 3 dans le métro : « Ce n’est pas nous qui vous donnerons des migraines. » 

C’est le point de bascule pour beaucoup d’offreurs, qui se mettent alors à utiliser la donnée autrement : ils en font un levier de la relation client. Ils sortent les données de la boîte noire, pour montrer aux clients qu’ils les connaissent bien – et que cette proximité-là améliore vraiment le service. C’est tout le sujet de la personnalisation, couplé à la dématérialisation. 

Le digital et la donnée permettent aujourd’hui de gagner des points sur ce marché très concurrentiel. En voici une série d’exemples. 

DEVENIR UN ALLIÉ

Aux Etats-Unis, la start-up Oscar Health est parfois comparée à Free pour sa capacité d’innovation : créé en 2013, Oscar Health s’est imposé en se positionnant du côté des patients, comme un facilitateur du système de santé américain. « Via l’application mobile, les clients peuvent ainsi parler gratuitement et sous quinze minutes, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à des médecins, un luxe dans un pays où les consultations et les passages aux urgences sont hors de prix. Il leur est aussi possible de s’adresser à un service de “ conciergerie”, avec trois conseillers et une infirmière attitrés par client. »

Le succès d’Oscar repose sur le fait de relier entre eux tous ces acteurs.En 2018, AXA « a réussi à devenir le réassureur exclusif » d’Oscar Health.

Autre exemple d’assureur qui se positionne en tant que tiers de confiance… et qui fournit un service en croisant les données : en France, Société Générale Assurances a lancé « Mon Compagnon retraite ». Elle propose au client un ensemble de services en ligne pour bénéficier d’une vision complète de ses revenus à la retraite, définir son objectif, simuler l’effort d’épargne à réaliser pour l’atteindre, mais aussi pour accéder facilement aux services des caisses de retraite et à des conseillers spécialisés. 

COLLECTER DES DONNÉES INÉDITES

En matière de personnalisation, les exemples fourmillent. Nous retiendrons celui-ci pour sa démarche maligne, positionnée très en amont du parcours client : le groupe VYV a lancé en 2020 l’Observatoire de l’imprévoyance, avec des enquêtes régulières auprès de la population française, ainsi qu’un quiz en ligne en neuf étapes. Celui-ci permet à chaque internaute d’estimer son niveau d’imprévoyance, de prendre conscience des risques encourus… Et donc de réfléchir à ses besoins. 

À noter : les consommateurs seraient prêts à partager leurs données personnelles avec des banques et des assureurs en échange de services personnalisés, comme le souligne cette étude d’Accenture en 2019

S’APPUYER SUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES

Parmi les innovations qui viennent stimuler le marché figure la blockchain, ce registre électronique dans lequel chaque intervenant reporte des informations, qui sont cryptées et validées sur la base du consensus (ce qui les rend infalsifiables). 

L’IA continue d’être utilisée à des fins de prédiction : parmi les lauréats des Trophées de l’Assurance 2022 figure Aurasoft (Yonivers), « au service des adhérents et des courtiers : tarificateur, gestion de prélèvements, résiliation automatique et outil de machine learning, afin de prédire le taux de réponse téléphonique et le pourcentage de chute de clientèle. » 

S’APPUYER SUR L’IoT

Les données issues de l’Internet des Objets viennent nourrir la capacité d’innovation des assureurs. L’exemple le plus connu est peut-être le « Pay How You Drive », un contrat d’assurance qui repose sur la façon de conduire de l’assuré et fonctionne grâce à un boîtier installé dans la voiture.

Si l’on conduit peu et/ou bien, on paie moins cher son contrat auto, comme l’explique le comparateur Les FuretsDe nombreux assureurs proposent aujourd’hui des formules de ce type. D’autres cas d’usage intéressants ont émergé autour de la prévention et de la sécurité, en utilisant des capteurs pour anticiper les risques de panne et d’accidents (usure des freins par exemple) … Et donc réduire les sinistres.

Bien sûr, l’IoT ne concerne pas seulement les véhicules : la maison connectée et de santé connectée représentent deux champs exploratoires très larges, dans lesquels les assureurs et mutuelles ont un rôle central à jouer.D’autres horizons s’ouvrent : en s’implantant sur The Sandbox, AXA est devenu le premier acteur français la Banque-Assurance à s’implanter sur un métavers.

Plutôt que de lutter contre les nouveaux entrants (Insurtech), la plupart des acteurs traditionnels du monde de l’assurance préfèrent les mettre de leur côté. Ils ouvrent des incubateurs, entrent au capital ou encore nouent des partenariats avec les start-ups qui leur semblent les plus prometteuses.Ils se dotent ainsi d’une capacité d’innovation et de traitement de la donnée bien plus rapidement que s’ils partaient de zéro.

Le principal risque pour eux, aujourd’hui, sont les GAFA, qui convoitent depuis longtemps les métiers de l’assurance et qui disposent d’un réservoir de données très important. « On sait qu’Amazon se prépare. On ne sait pas encore si ce sera limité à la santé ou si des contrats d’assurance auto ou emprunteur vont également arriver sur le marché », indiquait Peter-Elias Eid, organisateur de l’Insur Day pour Finance innovation en novembre dernierEn 2020, Google s’est lancé dans l’assurance santé avec « Coefficient Insurance », proposé aux entreprises américaines, en association avec Swiss Re. 

Pour conclure, linsurTech a révolutionné le secteur de l’assurance en mettant la donnée au cœur de l’innovation. Elle a notamment favorisé la personnalisation des offres et l’exploitation de nouvelles technologies, comme l’IA récemment. Néanmoins, il faut tout de même rester vigilant face aux GAFA quant à leur réserve et leur utilisation des données. La donnée est aussi précieuse que fragile. En tant qu’assureur, vous êtes doublement concerné : pour protéger vos propres données, et pour accompagner vos clients dans la cybersécurité. 

(*) Oscar, une licorne au pays de l’assurance santé – Les Echos

A propos de l'auteur

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Philippe Turco

Depuis ses débuts, le monde du marketing le passionne. Philippe, c’est un des experts reconnus du pôle Connaissance Client du Groupe IDAIA. Au quotidien, il conseille et accompagne les entreprises à développer la valeur de leurs données clients. Le scoring, les statistiques ou encore le datamining sont ses sujets de prédilection, des aspects stratégiques qui feront votre succès.

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